Hola les amis!
Comme à l’habitude, voici mon compte-rendu annuel de l’événement foodie le plus couru à Québec : le Foodcamp Québec 2016. Pendant deux jours, on assiste à des ateliers culinaires prodigués par les chefs les plus en vue du Québec, et – bonheur! – on goûte le fruit de leur labeur à la fin de chaque prestation.
Cette édition fut encore une fois imprégnée des tendances culinaires, en particulier l’achat des produits locaux, mais aussi teintée d’un combat qui me fait particulièrement chaud au cœur : le gaspillage alimentaire.
En nouveauté, le partenaire majeur de l’événement, Fromages d’ici, a inspiré les recettes proposées tout au long du weekend, pour notre plus grand plaisir, puisqu’on a également pu rencontrer près d’une dizaine de producteurs, échanger avec eux et goûter à leurs fabuleux produits.
On a vu défiler sous nos yeux des recettes inspirées tantôt d’une langue de boeuf, de girolles et de bolets, de rafles (troncs) de maïs brûlés à la torche, d’espumas sortis du syphon, de sel de céleri-rave sorti du Thermomix, on s’est fait cuisiner à l’italienne, à la boréale, à l’européenne, on a découvert le riz téléphone, on a écouté religieusement, la tête souvent penchée sur nos réseaux sociaux (on s’excuse!), on a rigolé…
Laissons les images vous raconter.
Jour 1
Mathieu Brisson (Le Clocher Penché) a cassé la glace, les yeux encore endormis, mais les idées en place, où le recyclage alimentaire était au rendez-vous, sans toutefois pour autant tomber dans le sermon. L’auditoire s’est réveillé d’un coup lorsqu’il a brandit une immense langue de bœuf sous nos yeux.
Pour honorer cette pièce de viande aujourd’hui boudée, il propose plusieurs trucs pour recycler des restants qui autrement finiraient dans la poubelle.
On débute par la préparation de la dite langue : dégorger dans l’eau pendant 2 ou 3 jours au frigo tout en changeant l’eau tous les 12h, faire tremper dans un bouillon d’eau salée aromatisée pendant 7 jours au frigo, éplucher la langue, trancher mince et cuire dans le bouillon pendant 1h. Ou à peu près. (ouf!)
On prépare un délicat consommé fait à partir de restants de légumes (entre autres, rafle de maïs brûlé à la torche et pelures d’oignon – pour le goût et la jolie coloration).
On utilise des fanes de carottes pour faire une salsa verte qui se rapproche du pesto (jus et zeste de citron, piment d’espelette). Ces feuilles, qui goûtent également la carotte, sont habituellement jetées, mais elles sont pourtant comestibles.
On y ajoute du fromage Cendré des Grands Jardins et des « météorites » de pain » (cubes de pain de la veille que l’on brûle à la torche – , pour ajouter texture et saveur).
…Et on obtient un succulent plat :
Sébastien Laframboise du District Saint-Joseph a démystifié la technique de préparation des gougères (pâte à chou pimpée de fromage). Il a proposé un montage singulier : on surmonte la gougère d’un sablé aux pistaches sucré, on enfourne, et au montage final, on y dépose une purée de courge dense que l’on décore de poudre de sapin. Joli et efficace :
Rémy Couture de Crémy Pâtisserie nous a complètement séduits avec sa tarte au citron et gingembre confit à la meringue suisse. Ce que l’on retient : beurre-sucre-sucre-beurre-crème-citron-paradis. La version bouchée était recouverte de chocolat blanc (vous dire comment c’était bon… Bibitte-à-sucre approuved!)
Une nouveauté cette année, et que l’on espère qui sera récurante : un combat de chefs. Martin Juneau du Pastaga a invité deux autres chefs de la Camaraderie des chefs pour un combat sans merci avec quelques ingrédients secrets imposés : le boeuf, le fromage bleu, la poire et le miel.
Cette lutte amicale entre Quang Dang du WEST (Vancouver), John Horne du CANOE (Toronto) et Martin Juneau s’est soldée par un choix unanime du jury : Quang Dang fut le grand vainqueur. Je dois adresser mes félicitations à ces deux chefs invités qui ont ont accepté de jouer le jeu malgré la barrière de la langue.
Remarquez la progression dans le temps : plus la minute de vérité approche, plus ces messieurs sont penchés et absorbés dans les chaudrons…




Ce combat, rendu possible par Ace Boulangerie, a permis d’offrir à l’organisme Pignon Bleu la somme de 5000$, qui permet d’offrir des repas à plus de 4000 enfants issus de milieux défavorisés dans la région de Québec. Merveilleuse initiative.
S’en suivit mon coup de coeur de la journée : l’humble Antonin Mousseau-Rivard du restaurant montréalais Le Mousso. Beaucoup ont apprécié son discours de locavore, c’est-à-dire encourager les producteurs locaux le plus possible pour contrer le gaspillage alimentaire. Par exemple, pourquoi vend-on encore des fraises de la Californie en plein été dans nos épiceries? Est-ce normal qu’à cause de ces guerres de prix, que certaines de nos récoltes moisissent et finissent dans la nourriture à cochon?
Monsieur Mousseau a suggéré un saumon cuit à basse température, accompagnée de croustillant de pomme de terre, d’une soupe froide aérée au syphon (500 grammes de purée de légume, 200 grammes de lait, 300 grammes de crème, que l’on passe au tamis avant d’insérer dans le syphon), de fleurs acidulées et de cendre de paille. C’était aussi beau que bon :
Le souriant et très « québécois » (dans le sens rough’n sexy, pas dans le sens chemise à carreaux) Vincent Chatigny du restaurant Chez Biceps BBQ a clôt cette première journée avec l’ABC d’une béarnaise réussie (grâce à ses biceps et au fouet) ainsi qu’une bouchée de crevettes cuites sur charbon de bois et boeuf saisi. Les carnivores étaient aux anges, et on se promet d’aller visiter son resto avec nos hommes-carne.
Jour 2
Stéphane Modat du restaurant Le Sams du Château Frontenac a encore une fois séduit mes papilles (et ma dent sucrée) avec un chocolat chaud à la citrouille à base de chocolat blanc et blond. Avec un peu d’amour et beaucoup de crème, et cette touche de bonbons à la canelle pulvérisés en guise de rim, on arrive encore une fois au paradis. Vraiment. Le genre de truc que je vais réessayer après une journée à jouer dehors avec les enfants.
Puis le jeune et talentueux Arnaud Marchand du restaurant Chez Boulay, qui privilégie la cuisine boréale, nous a préparé quatre recettes à base de champignons déshydratés :
- Une éponge à base de bolets : on mélange 80 grammes de poudre de bolet, 100 grammes de farine et 5 oeufs, que l’on verse dans un pyrex et qu’on chauffe en trois fois trente secondes… au micro-ondes! La texture de cette bouchée était étonnante.
- Un pesto à base de flocons de champignons, d’huile chauffée, d’échalottes, que l’on torréfie à la poêle en bonifiant d’huile de caméline – une huile québécoise très prisée des chefs -, et que l’on termine au Thermomix. La texture semblait se rapprocher de la duxelles de champignons que l’on utilise dans le boeuf Wellington.
- Un consommé de champignons (mélange forestier) à base d’huile, de thym, laurier, ail et bouillon de légumes, que l’on mijote à feu doux pendant 2 heures.
- Ce consommé sera surmonté d’un espuma de girolle fait avec du beurre noisette, des oignons et de la crème.
Un conseil de notre ami Arnaud : Si vous ne voulez pas que votre beurre brûle, nourrissez-le. Vous cuisez un magret? Prenez une poêle de la grosseur du magret et remplissez l’espace restant de légumes, ne laissez pas le beurre seul en punition dans un racoin de poêle.
Un truc de l’animateur Jonathan Garnier : Utilisez un mélange de poudre de champignon et de farine pour enrober vos viandes panées, ou pour vos cubes de ragoût, ça rajoute une belle intensité au plat.
S’en est suivi la visite d’un italien fils d’immigrants romains, Rocco Cortina. Ayant travaillé en cuisine avec papa, fiston a grandi et est devenu un homme. Deux coqs ne pouvant partager la même cuisine, le coq junior a volé de ses propres ailes et est parti avec toutes les recettes de mamma. Et ça a fonctionné : Rocco a ouvert deux restaurants Il Matto depuis ses débuts.
Rocco nous a expliqué l’ABC des gnocchis, cette pâte à base de pomme de terre, qui est prête lorsqu’elle atteint la texture de la pâte à modeler. Un autre du type beurre-gras-gras-beurre-beurre. Un ami, quoi.
Le truc pour former ces petits rectangles arrondis et rainurés? La planche et le doux roulé du doigt :
Les rainures n’ont pas qu’une vocation esthétique, elles servent à faire coller la sauce à la pâte.
On suggère de servir avec peu de sauce, mais pour ravir les plus gourmands, on peut ajouter bonne quantité de sauce dans un joli saucier déposé sur la table.
S’en suivi un autre jeune chef qui a le vent dans les voiles, Raphaël Vézina, qui nous a proposé des pommettes au foie gras et 5 épices :
Le format assiette sera surmonté de tuiles à l’isomalt (sucre cuit, durcit, pulvérisé puis cuit à nouveau). Notre voisin de chaise Tastevino nous a confié utiliser des suçons Laura Secord pour sauter la première étape. Que d’avenues possibles…
Arrive ensuite le doyen des chefs, le respectable Daniel Vézina du restaurant Laurie-Raphaël.
Je crois que M. Vézina frissonnerait de dégoût si je lui disait qu’on se ressemble, lui et moi. Voyez un peu sa frimousse quand il nous somme de cesser de faire des touskis (tout-ce-qu’il-reste-dans-le-frigo, ou encore soupe du dimanche soir) :
Monsieur Vézina, je croyais être la seule à être aussi obsédée par le fait de ne RIEN jeter en cuisine. J’ai tout essayé : congeler les épluchures de légumes pour mes bouillons, les queues de fraises pour mes sirops (une catastrophe, j’y a ajouté 6 autres sortes de fruits, trop peu de sucre… – soupir – ), passé des restes de pains ou de gâteaux au mélangeur avec du liquide pour les camoufler dans mes muffins de la semaine (parfois un succès, parfois un échec), des restants de terrines fatiguées (lire trop grande quantité, on est fatigués d’en manger) à travers beurre, oignons et boeuf d’un pâté chinois… OK. Vous pouvez re-frissonner de dégoût.
Toujours est-il que M. Vézina a fait un exercice complexe de récupération totale sur un aliment. Depuis deux ans, il travaille sur un projet, le céleri-rave, qu’il a « adopté en attendant d’être grand-père ». Le message était clair, n’est-ce pas, mon Raph? (Daniel est le papa de Raphaël Vézina)
Sa réflexion est venu d’une observation : Au Marché Jean-Talon, il a constaté qu’un commis offrant aux clients de conserver ou non les feuilles du céleri-rave se voyait répondre systématiquement par la négative.
M. Vézina a donc blanchi les feuilles, les a passé au mélangeur avec de l’huile de pépin de raisin, a tamisé le tout et a obtenu une magnifique huile de feuilles de céleri-rave.
Il a ensuite utilisé le restant de pulpe (l’excédent dans le tamis) pour en faire un pesto avec des amandes, de l’ail et du parmesan :
Il a également utilisé les tiges. Émincées, blanchies, revenues dans le beurre et passées au Thermomix, il a obtenu une purée qu’il a tamisé, en est résulté un beurre de tiges de céleri-rave :
Et finalement, avec ce dernier restant de tamis qui, disont-le, ne doit plus donner grand chose… et bien il a terminé ce grand projet avec nous (ou à tout le moins, nous a laissé le plaisir d’y croire) en le déshydrant…
et en le pulvérisant à nouveau dans le Thermomix, cette fois avec uniquement du sel, pour obtenir un sel de céleri-rave.
(Je dois ajouter qu’avec les écorces de la racine, bien lavées, M. Vézina a fait doucement mijoter dans l’eau pour obtenir un consommé.)
Cet exercice a également été fait avec la tomate, mais pourrait s’itérer à l’infini, toujours dans le but de ne plus-rien-gaspiller. J’adore ça.
J’allais presque oublier : il a offert à l’auditoire la dégustation d’un consommé de maïs dont le bouillon est fait avec les feuilles, cheveux et rafles de maïs – encore un exercice de recyclage.
Ce petit consommé est une ode à l’épluchette de blé d’inde québécois : Remarquez la petite couche de beurre qui flotte sur le dessus…
S’en suivit un rayon de soleil sur scène : Patrice Plante, alias Monsieur Cocktail. Quand ce jeune homme parle, c’est une douce rivière qui coule. Rien n’est compliqué, tout va de soi, et sa voix chaude et enveloppante calme l’auditoire, mais éveille aussi des éclats de rire et colore les joues des femmes aux oreilles prudes.
Après avoir rectifié la méthode de la fessée de menthe enseignée l’an dernier (pour en dégager les arômes sans faire ressortir l’amerture), Monsieur Cocktail a préparé un Old Fashion, avec un brin d’histoire, un zeste d’orange, un bitter, une méthode de brassage de glace, bref, tout est fait avec rigueur, mais avec une telle désinvolture… C’est un naturel chez lui, ça se voit.
Bon, ce n’est pas très sexy dans un carton, mais de revoir la couleur ambrée de ce cocktail m’emplit la bouche de salive. J’en veux encore!
Pour réveiller l’auditoire en cette fin d’après-midi, il fallait une bombe. On se rappelle que par le passé, le Foodcamp avait aligné Danny St-Pierre (avec justesse) en fin de journée. Le pari est encore gagné cette année puisque le roi de la saucisse, le généreux Félipé Saint-Laurent de Ils En Fument Du Bon est venu nous dévoiler ses quelques secrets (mais pas ses épices!) avec une énergie incomparable.
Mon père disait de moi que j’étais un petit bâton de dynamite. S’il avait vu Félipé sur la scène, il l’aurait probablement qualifié de bombe nucléaire. Doux Jésus! Mais ce qu’on a rit!
Il a fait participer petits et grands :
Il nous a donné quelques trucs :
- Pour la saucisse fraîche à griller, ne pas se gêner pour mettre de gros morceaux d’oignons, de fromage…
- Demandez à votre boucher s’il ne pourrait pas vous vendre pour 5$ de boyaux pour débuter
- Commencer tôt dans la journée
- Ne croyez pas faire ça en « buvant un p’tit verre », c’est un allez simple vers l’échec
- Prenez des notes, pesez, testez, tout est dans le détail
Sa recette : une épaule de porc en morceaux que l’on hache (un bon hachoir manuel se vend autour de 40$), 1 tasse d’épices, 2-3 tasses de fromage 1608, 1 tasse de bacon séché, 1 tasse d’oignons et du sel. On mélange vigoureusement à la main. Quand on croit que c’est assez, on continue encore. On passe le mélange dans poussoir à saucisses en gardant toujours les yeux sur le boyau. Une fois le boyau rempli, on tourne les saucisses à 6 pouces de longueur et on cuit à la poêle ou au BBQ, à feut moyen-élevé, en tournant très souvent.
Je termine sur cette note : le Foodcamp est synonyme de rencontres et d’échanges avec des producteurs de fins produits : épices, huiles, vinaigres, terrines et rillettes, vins de tomate, chocolat haut de gamme, fromages, décoration de la table… Les kiosques sur place élèvent définitivement l’expérience à un niveau supérieur.
OUF! QUEL WEEKEND!
Si tout ça ne vous donne pas le goût d’aller au Foodcamp 2017… et bien… Vous avez sûrement d’autres loisirs, mais si jamais le cœur vous dit, joignez-vous à nous! Pour ma part, la passion ne s’éteint pas, elle ne fait que se réanimer!
Et… Bon appétit !
PS: Vous vous demandez toujours qu’est-ce que le riz téléphone? Au Clocher Penché, lorsque l’eau est prête, et qu’on y a déposé le riz, on est soudain demandé au téléphone. On revient plus tard pour réaliser que « notre riz a défoncé ben raide ». C’est le riz téléphone.
Une réflexion au sujet de « Le Foodcamp Québec 2016 en un (long) clin d’oeil »